Deux beaux récits de vie

Dans le courant de l’année 2024, j’ai accompagné les projets de récits de vie de deux femmes âgées. Tous deux ont été imprimés en une centaine d’exemplaires et ont été partagés dans l’entourage de leurs autrices.

Il suffisait d’oser

Le premier s’intitule : « Il suffisait d’oser ». C’est le récit du parcours hors norme d’une femme infiniment courageuse qui élève seule ses deux enfants, dont l’un en situation de handicap, et qui fait de la lutte pour l’inclusion des personnes en situation de handicap cognitif le combat d’une vie. J’ai été particulièrement touchée de la confiance dont m’a honorée l’autrice. Elle avait déjà rédigé en partie son projet quand je suis intervenue pour l’accompagner vers la publication et la diffusion de son ouvrage. Nous l’avons complété, rythmé, chapitré, puis je l’ai mis en page et nous avons réfléchi ensemble à la couverture.

Ce récit est le premier ouvrage qui soit paru dans ma collection « Récits de vie ».

Le texte a visiblement du succès auprès de ses lecteurs et lectrices, car l’autrice vient de me demander une réimpression : elle a déjà donné tous les ouvrages que nous avions imprimés !

A propos de notre coopération, elle m’a dit :

« J’ai beaucoup apprécié l’écoute et l’empathie dont vous avez fait preuve ».

L’empathie et l’écoute sont des qualités qui me définissent et que je possède sans avoir à me forcer : j’ai toujours plaisir à écouter les récits que l’on me fait. Et j’ai toujours une grande satisfaction à chercher la meilleure façon de les mettre en valeur, tout en restant fidèle aux intentions et au ton de l’auteur !

Raconter la guerre

Le second ouvrage que j’ai accompagné cette année est un ouvrage en deux parties. La première, qui s’intitule « Mes années d’enfance », est parue il y a presque un an, la seconde sera imprimée avant l’été. Étant née en 1931, l’autrice avait le souhait de raconter son enfance de façon approfondie, car elle a des souvenirs très nets de la période de la seconde Guerre Mondiale, et elle veut apporter son témoignage sur ce que l’Europe a traversé à cette époque, afin d’éviter que les mêmes erreurs se reproduisent.

Voici un extrait de ce premier volume, où elle revient sur un épisode dramatique survenu vers la fin de la guerre :

Robert avait quelques années de plus que moi. Depuis que nous étions petits nous nous retrouvions chaque été, sur la plage de Beg-Léguer. C’était mon meilleur compagnon de jeu. Nous passions des semaines entières à courir les plages sous le soleil ou sous la pluie, à farfouiller dans les mares à la recherche de crevettes, à ramasser des coquillages, à nous raconter des histoires. Les plages étant interdites, nous ne nous étions plus revus depuis l’été 1939. Sa famille habitait à Colombes, et nous savions que la ville avait été bombardée par les Alliés en 1943. Nous nous demandions si sa maison avait été touchée. A la Libération, mon père et moi sommes donc allés à vélo chez ses parents, à Bois-Colombes, pour prendre de leurs nouvelles. 
Sur le chemin, nous avons vu les dégâts qu’avaient fait les bombardements. Jusqu’à présent, je n’avais qu’une connaissance assez théorique des destructions que peut occasionner la guerre. Il y avait des murs éventrés, des fenêtres soufflées, des trous dans le sol là où avaient eu lieu les explosions. Je me souviens d’une façade béante avec une cuisine à demi-écroulée. Nous avons pédalé tant bien que mal sur la chaussée parfois défoncée. Arrivés dans le quartier résidentiel où il habitait, nous avons été rassurés, car visiblement les bombes n’y étaient pas tombées. Ses parents étaient là, avec des amis ou de la famille. Ils fêtaient la fin de la guerre. Mais Robert n’était pas là. 

Les allemands l’avaient fait prisonnier fin juillet, sur les Champ-Elysées. Ses parents nous ont invités à boire un verre avec eux. Avec mon père, nous étions atterrés. Nous avons décliné l’offre et sommes repartis. Peut-être pensaient-ils qu’il serait bientôt libéré. De mon côté, j’étais terriblement inquiète et les évènements m’ont donné raison : Robert n’est jamais réapparu.

Dans la seconde partie, l’autrice se livre sur sa vie de jeune femme, de mère de famille nombreuse, de bénévole associative et de retraitée active, durant la seconde partie du XXème  siècle et le début du XIème siècle.

Elle m’a transmis des retours que lui avaient faits ses proches qui ont lu le premier tome. Ses petits-enfants et arrière-petits-enfants sont heureux de mieux connaître la vie de ses parents et grand-parents, qu’elle raconte de façon détaillée. Certaines anecdotes ont surpris même ses propres enfants ! Et ils reconnaissent dans le texte toute l’intelligence de l’autrice, sa malice discrète, son amour pour la Bretagne d’où est originaire son père et où elle vit à présent.

Là aussi, l’aventure d’écoute et d’écriture a été une joie. Je suis impatiente de savoir comment le second volume sera reçu par ses proches. Mais j’ai aussi hâte de fermer cette page et de commencer de nouveaux projets d’accompagnement à l’écriture autobiographique !