Offrir à un proche un accompagnement à l’écriture biographique

Jusqu’à récemment, lorsque quelqu’un me disait vouloir offrir à un proche un accompagnement pour lui permettre de mettre noir sur blanc son récit de vie, je lui conseillais d’en parler d’abord avec ce proche pour s’assurer qu’il aurait envie de se livrer à ce travail.

Mais je ne suis plus si sûre que ce soit la bonne marche à suivre. Mon premier constat, c’est que toutes les personnes sans exception sont revenues vers moi en me disant que leur proche avait refusé. J’ai l’impression que ceux qui refusent pensent qu’ils ne le « méritent » pas, que leur vie n’en vaut pas la peine. Cependant, pour la personne qui veut offrir ce cadeau, ce récit aurait une portée énorme, bien plus grande que l’autre ne l’imagine. Par ailleurs, la personne qui devrait « se raconter » n’a sans doute pas conscience de ce qu’elle peut en tirer pour elle même.

En voici une illustration. C’est une connaissance rencontrée par hasard qui m’a fait ce récit de ce qui était arrivé à un ami à elle. Je vais le retranscrire ici avec certainement quelques approximations, je m’en excuse par avance pour les protagonistes réels de l’histoire que je ne connais pas.

F. est né en France de parents indiens. Ses parents sont très pudiques et ne se sont jamais étendus sur leur propre histoire : à quoi ressemblait le village où ils ont grandi, qu’y ont-ils laissé, pourquoi ont-il choisi de le quitter, quelles ont été les étapes de leur voyage avant d’arriver en France, comment se sont passées les premières années de leur vie sur le continent européen ? F. a le sentiment qu’il y a un vide à combler dans l’héritage que lui laissent ses parents.

Afin de permettre à ses propres enfants de mieux connaître l’histoire de leur famille, F. fait appel à un biographe. Sans leur demander leur avis, il met ses parents devant le fait accompli : il leur offre un accompagnement au récit de vie. Pour eux, le début du travail est difficile. Afin de mieux s’assimiler dans leur pays d‘accueil, ils ont choisi de laisser derrière eux la mémoire de leur pays d’origine. Y revenir est douloureux, délicat. Mais peu à peu, ils reprennent pied dans leur propre histoire. Finalement, ils y trouvent goût, et le livre une fois partagé vient retisser des liens plus forts entre les membres de leur famille. F. n’a jamais regretté d’avoir imposé à ses parents ce « cadeau » qu’il se faisait à lui-même autant qu’à eux. Il a comblé les vides de son histoire, et la nature de sa relation avec ses parents a changé. Il leur a montré qu’il était fier de leur histoire, fier de leur parcours, fier de ses origines. Il leur a partagé cette fierté, et c’était un très beau cadeau.

Alors, faut-il consulter en amont la personne à qui l’on désire offrir un accompagnement au récit de vie ? Je n’en suis plus si sûre. Les parents de F. auraient certainement refusé. Et ils seraient tous les trois passés à côté de quelque chose de très précieux.

Avec le recul, je pense que c’est une réaction très spontanée chez beaucoup de personnes de refuser un tel cadeau. Et parfois, il ne faut pas hésiter à l’imposer… C’est ainsi : un cadeau est parfois surprenant, mais s’il y a entre celui qui offre et celui qui reçoit suffisamment de confiance, alors le destinataire du cadeau saura y voir une preuve d’amour.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *